Sortir : comment est née l'envie de monter un spectacle autour de l'histoire irlandaise et plus particulièrement de l'affrontement autour de l'Irlande du Nord ?

Yves Brulois : Je ne cherchais pas particulièrement à aborder le sujet. Il s'avère que depuis plusieurs années je m'intéresse à l'Irlande et qu'à l'occasion de mes lectures je suis tombé sur plusieurs textes que je souhaitais beaucoup pouvoir adapter sur scène. Ce sont des textes qui parlent tous les deux du rôle de chacun -et notamment des jeunes adolescents- dans les situations compliquées et difficiles paticulièrement au niveau politique. Les deux textes avaient pour toile de fond les grèves de la faim de 1981 en Irlande et j'ai trouvé intéressant de les grouper en une démarche et une proposition communes.

Sortir : Les deux textes sont des œuvres littéraires à l'origine, comment se passe l'adaptation à la scène ?

Y. Brulois : Dans mon travail je cherche toujours à m'emparer de textes qui ne soient pas au départ imaginés pour le théâtre. En rencontrant Une grève de la faim de Collum McCann et La fille du boucher de Michael Collins, je me suis tout de suite dit qu'il fallait en faire quelque chose. L'idée n'est pas d'appliquer une méthode globale déclinée à chaque texte mais plutôt de partir de ce qui fait la singularité de l'écrit de départ pour m'attacher à le retranscrire sur le plateau, pour ne pas trahir ni l'auteur, ni le lecteur, en gardant le plus intacts possibles les sentiments, le cheminement et la démarche qui l'ont vu naître. J'ai la chance d'entretenir une correspondance avec Michael Collins qui a tout de suite été enthousiasmé par le projet et m'a accordé son entière confiance. Avec Colum McCann, il a fallu discuter avec son agent mais ils m'ont aussi fait confiance en me permettant de monter ce très beau texte. J'ai regroupé les deux en me disant qu'ils avaient une même toile de fond et qu'ils plaçaient tous deux le parcours d'un jeune adolescent au cœur de leur histoire. On a à faire, pas tant à des écrits historiques ou documentaires, qu'à une retranscription de la façon dont deux jeunes vont vivre des moments particuliers de l'histoire de leur pays, chacun à leur manière.

Sortir : Vous faites le pari d'une création avec 5 comédiens, ce qui est assez rare aujourd'hui. La genèse du projet a-t-elle été compliquée ?

Y. Brulois : Le projet est prêt depuis deux ans environ. Après des années à mettre sur pied des projets plus modestes en territoire rural, j'avais envie de défendre un théâtre qui ne soit pas confiné à des petits textes et des équipes restreintes. En ce moment, les équipes artistiques sont incitées à monter des projets restreints, passe-partout, je n'avais pas envie de céder à cela. Les textes nécessitaient une certaine ampleur, l'an dernier au moment de lancer la création, je n'avais pas les moyens nécessaires, j'ai préféré attendre un an supplémentaire pour le mener à bien. Nous avons eu la chance d'être soutenus par le Théâtre du Nord, la maison Folie de Wazemmes ou le théâtre du Millénaire à la Madeleine avant que la Verrière ne nous accueille pour les dernières répétitions et la création. Créer dans de bonnes conditions est devenu de plus en plus difficile, je tenais à ce que ce Thema Belfast puisse voir le jour dans les meilleures conditions possibles, notamment pour les comédiens. J'aimerai aussi pouvoir porter ce genre de projet plus ample à Marquise...