Aude Cordonnier, directrice du LAAC : « Ici, ce n'est pas un musée mais un lieu ouvert d'où l'art entre et sort : Bertrand Gadenne, que je songeais à inviter depuis que j'ai vu son travail très poétique, a lui-même invité Etienne Pressager. Bertrand a également choisi des oeuvres en résonance, avec des étudiants de l'Ulco qui ont fait la démarche de conservateur, reflet de notre volonté que l'art soit présent dans un aller-retour constant, loin des actions coups de poing, avec les habitants » Pour admirer le travail de Bertrand Gadenne, il faut passer un rideau noir, se retrouver dans l'obscurité, une ambiance déstabilisante, devant des vidéos qui interrogent : « je travaille sur la notion de souffle », souffleur de bulle ou vigne vierge, image fixe projetée sur de la soie mise en mouvement par le souffle du projecteur. Le visiteur se trouve dans un espace de fable, où « le temps est suspendu », un hibou géant l'observe, un rat se balade dans une cage vidéo, plus loin, il peut essayer d'attraper des papillons en plein vol, révélant l'image sur la paume de sa main. « De façon ludique, je montre que nous ne sommes qu'un bref instant sur cette planète »

 

Un travail aérien, léger, un peu inquiétant. Bertrand Gadenne retrouve ensuite Etienne Pressager dans une salle commune, sur l'alphabet, écrit par des escargots, dont la bave nacrée reflète le ciel « tout cela sans trucages : j'en ai bavé durant 4 ans ! Nos travaux restent purs, simples ! » En face, l'alphabet de son ami Etienne, sur une lettre s'applique une Marie-Louise découpée à la forme de la suivante : « quand on dit B, on pense déjà à C ! » Les îles d'Etienne fascinent : l'alphabet découpe des ilôts, « résidus dans lesquels on peut se protéger du texte omniprésent ». Vous l'aurez compris, Etienne Pressager travaille sur les lettres, joue avec les mots, à la manière de Georges Perec et de ses amis de l'OuiLiPo. Cet artiste est peut-être la vraie découverte de l'expo, son travail exposé dans le cabinet d'arts graphiques, plein d'intelligence, subtil, fin mais pas prise de tête, enchante. Que choisir parmi toutes les propositions plus malines, plus drôles les unes que les autres ? Allez ! La chemise brodée, « pour boutonner et déboutonner les mots : c'est mon activité ! » Il démonte des phrases renfermées sur elles-mêmes, comme « ni plus ni moins », dessine avec humour ou poésie des entre-deux, remet des lettres en ordres, les modèle, « des choses très légères et ludiques, sans prétentions », et ça fait du bien !